Loading ...L’élégance de Colin Firth dans A Single Man
Aujourd’hui, nous retrouvons encore une fois Tom Ford ! Nous nous intéresserons ici à sa première réalisation cinématographique : « A single man ».
Avant de commencer, je vous invite à lire cet article avec la bande son magnifique du film :
Présentation du film
A single man (sorti en salles en 2009) est le premier film de Tom Ford tiré du roman de l’écrivain anglais Christopher Isherwood écrit en 1964. À la sortie du film, j’avoue avoir été assez sceptique quant à cette réalisation…
Depuis quelques années on voit de plus en plus d’acteurs, chanteurs, animateurs se découvrir un « talent » soudain pour la réalisation ou bien un autre art. J’appellerai ça un excès de mégalomanie ! C’est un peu comme les types de la télé-réalité qui finissent tous par sortir un tube « débile » ou bien ces mannequins qui veulent se reconvertir dans la musique… Bien évidement la majorité de ces reconversions sont ratées, il existe tout de même quelques exceptions…
Tom Ford fait parti de ces exceptions aujourd’hui. Il s’en sort très bien pour une première réalisation, nous pouvons aussi relever le fait qu’il ait participé à l’écriture du film même si le scénario reste fondé sur le roman…
Son métier de base étant le stylisme, c’est sans surprise qu’on retrouve une réalisation très poussée en terme d’esthétisme. Pourtant il évite le piège de la forme absolue en délaissant le fond (comme beaucoup de films de mode). Il met énormément l’accent sur des gros plans et autres ralentis, tentant de retranscrire des émotions, odeurs, sensations à travers ceux-ci…
De quel sujet traite le film ?
Nous suivons le parcours de George Falconer, 52 ans, professeur, homosexuel… Il reçoit un coup de fil dans les premières minutes du film, une personne lui annonce que son compagnon vient de décéder, suite à un accident de voiture. 8 mois après l’accident, il n’est toujours pas remis de cet événement, il s’enferme dans la solitude… Il survit comme il peut grâce aux différents cachets qu’il avale tout au long de la journée. Finalement, il prend la décision de mettre fin à ce calvaire en se suicidant.
Le film retrace le parcours de George durant sa dernière journée, où il passera par différents « rituels d’adieux » pour partir en paix.
Niveau look, tu valides ?
Concernant les vêtements… C’est assez loin d’être glorieux, on avait déjà repéré quelques soucis de confections dans le dernier James Bond (qui n’était sûrement pas volontaire). Dans celui-ci, c’est encore pire… Nous retrouvons des gros soucis de confection pour les costumes de Colin Firth.
Le problème majeur du film étant la personnalité du personnage principal qui est particulièrement sombre, ses tenues vont donc dans ce sens…
Le costume de Colin Firth
On retrouve une nouvelle fois le col anglais ! Ici on peut déjà émettre quelques critiques, l’épaule de chemise n’est pas très bien ajustée et tombe légèrement, on obtient donc une carrure « fatiguée », peu élegante. Colin Firth a un visage assez allongé de largeur moyenne.
L’ensemble aurait été plus harmonieux avec un col plus large et plus ouvert, ici il est trop petit, ça ne respecte pas les proportions de son visage. Il est tout de même possible de jouer avec les proportions pour tendre vers une silhouette bien spécifique… Je reviendrais sur ce sujet dans un prochain article.
La cravate est bien en accord avec le col de chemise car de largeur similaire. Nous retrouvons aussi un petit accessoire : la pince à cravate.
Il est aussi possible de noter la présence d’un t-shirt en dessous de la chemise. Le problème avec ce dernier étant qu’il est peu discret sous une chemise, ce n’est donc pas très élegant, pour remédier à ce problème achetez des t-shirts à manches longues.
La pince à cravate
Elle permet d’éviter que la cravate se balade ou bien qu’elle trempe dans votre assiette durant un repas. Popularisée dans les années 1920, son usage est tombé en désuétude à la fin du 20ème siècle. Principalement portée par les américains, en effet cet accessoire n’a jamais rencontré le même succès dans d’autres pays, il était reservé à des tenues formelles en Europe comme celles des policiers…
Si vous souhaitez en porter, il y a quelques règles à respecter pour ne pas être ridicule. La pince ne doit jamais être plus grande que votre cravate, ici elle est parfaitement à la taille de la cravate. Portez-la à hauteur de mi-poitrine, sur la photo c’est moins réussi ici, elle pourrait être légèrement plus haute.
Cette petite pince donne de l’horizontalité à votre tenue, elle est donc intéressante pour les personnes minces car elle viendra épaissir votre silhouette, c’est d’ailleurs pour cette raison que je vous déconseille de la porter en dessous de la poitrine car elle viendra élargir une partie qu’on ne souhaite pas voir s’épaissir dans la majorité des cas : la taille !
Attention tout de même, trop d’accessoires tue l’accessoire ! Evitez de la porter avec une épingle à cravate (collar pins ou collar bars en anglais), c’est ou l’un ou l’autre.
La veste
Les proportions sont respectées, le revers étant assez fin pour se marier avec le reste (col de chemise & cravate). Nous avons une tenue très simple avec des rappels classiques, sans grosse prise de risque (pochette/chemise). Le rendu est très/trop lisse, il y a donc un léger travail sur la matière pour injecter plus de caractère dans cette tenue.
Cliquez sur la photo pour zoomerC’est une une veste à chevrons (herringbone en anglais), pour ceux qui ne savent pas ce que c’est, je vous invite à cliquer sur la photo pour observer la matière de la veste. La cravate est dotée de différents motifs… Ces deux éléments permettent de « sauver » la tenue car elle est bien trop lisse à la base.
Nous pouvons aussi remarquer le contraste entre le blanc et le noir du costume, trop fort pour Firth. En effet ses cheveux ont tendance à tirer sur le blond dans ce film et la carnation de sa peau est assez halée dans la majorité des scènes, le contraste peau/cheveux n’est donc pas équilibré.
Malgré cela, la tenue reflète correctement la personnalité de George, particulièrement sombre et sans vie…
Je pourrais aussi ajouter un point quant à cette photo, observez les revers et la gorge : Les revers remontent assez haut, ce qui permet d’allonger la silhouette.
Pour ceux qui n’ont pas compris cette dernière phrase, voici une petite explication : le « col » de la veste est constitué grâce à deux parties. La première partie étant les revers (toute la partie du col qui est posée sur la poitrine). La seconde est la bande de tissu qui entoure le cou (le col), à la jonction de ces deux parties se forment une gorge (la fameuse petite ouverture similaire à un triangle ou à une « gueule de poisson »).
Petit détail intéressant au niveau des boutons et de la boutonnière, elle est dotée seulement de deux boutons, ce qui est assez épuré.
Voici le gros point noir chez Tom Ford : c’est un créateur/styliste et non un tailleur ! Il ne sait pas confectionner un costume correctement, on retrouve les mêmes erreurs que dans Skyfall…
Le col de veste est trop grand pour l’acteur, il flotte et se balade alors qu’il devrait être littéralement collé à la chemise. En prêt-à-porter, ce genre de mésaventure arrive très souvent, il est donc fondamental d’essayer un maximum de coupes.
Ces soucis mettent en cause la morphologie de notre corps : épaule plus haute que l’autre, tête trop en avant, poitrine trop forte… Un bon tailleur retouchera ça sans soucis, le coût de la retouche peut varier en fonction de la complexité de l’opération.
Ce problème de col en crée un second au niveau de l’ajustement de la poitrine, la veste est flottante à cet endroit, le rendu est donc mauvais.
Les lunettes
Malheureusement ici, notre George n’est pas gâté ! Il y a quelques règles à respecter durant l’acquisition de lunettes. L’inconvénient majeur qu’on retrouve sur cette paire de lunettes, c’est qu’elle est trop grande pour le visage de Firth, les yeux doivent être centrés dans le verre, ici ce n’est pas le cas, ils ont plutôt tendance à se retrouver en haut de celui-ci.
Il est aussi essentiel de sélectionner la forme de votre monture en fonction de vos sourcils. Le haut de la monture doit suivre la ligne de vos sourcils. Certains sont dotés de sourcils très droits, il est donc judicieux de se diriger vers des montures à lignes droites. Ici, c’est respecté et la monture suit bien la ligne des sourcils.
La forme est assez adaptée à son visage, Firth a des traits légèrement carrés, la forme permet d’accentuer ces traits tout en respectant son visage avec les coins arrondis de la monture.
Ensuite nous pourrions évoquer l’épaisseur des branches et de la monture. Pour faire simple, si votre visage est fin, dirigez-vous vers des montures minces… Il est aussi possible de jouer légèrement avec l’épaisseur d’une monture pour dynamiser un visage. Dans le cas présent, ce n’est pas vraiment bon, les branches sont clairement trop larges et accentuent cet effet de lunettes trop grandes. Globalement cette paire de lunettes alourdit trop le visage de Firth car elle n’est pas adaptée à celui-ci. Il aurait été judicieux de choisir le même type de monture dans une taille plus petite et légèrement moins épaisse.
Concernant la couleur de celle-ci, le noir vient durcir le visage mais c’est encore une fois pertinent avec la personnalité du personnage… Il aurait pu tenter une autre couleur plus en accord avec celle de sa peau et de ses cheveux pour créer une transition entre ces deux éléments et donc tendre vers plus d’harmonie.
Pour la petite anecdote, ce n’est pas une paire Tom Ford. L’acteur a sélectionné lui-même cette paire de lunettes qu’il a déniché dans le fond d’une boite d’accessoires. Il a proposé ensuite au réalisateur de tourner quelques scènes avec celles-ci… Quelques scènes se transformeront par la suite en l’intégralité des scènes !
Suite à une forte demande, Ford décidera deux ans après de sortir une réplique des lunettes : Tom Ford TF 5178. Vous pourrez vous les procurer sur internet pour environ 200-250€.
Le modèle original porté par George durant le film étant légèrement différent, c’est une paire de lunettes vintage des années 60. Il est possible de s’offrir cette paire sur internet, elles sont très rares car plus vendues depuis bien longtemps. Son prix est donc donc relativement élevé aujourd’hui, attention au contre-façon sur internet (comme toujours) : Nalco #44 vintage 60’s
Petit aparté sur la montre
Concernant le choix de la montre, il m’a interpellé car le bracelet et le cadran est particulièrement fin ! Il est encore histoire de proportions, une grosse montre sport sur un petit poignet, c’est simplement ridicule et très loin d’être élégant ou raffiné.
Le contraire est aussi valable et c’est d’ailleurs le cas ici, le bracelet est bien trop fin et le cadran trop mince pour le poignet. Le rendu est très féminin… Je n’ai pas trouvé plus d’infos sur ce modèle, certainement un modèle vintage. Les vêtements du film sont un mélange de différentes pièces vintage (comme les lunettes) et de créations réalisées spécialement pour celui-ci.
C’est moins choquant sur cette photoPour finir, je vois beaucoup trop d’hommes qui se prétendent « élégants » avec des montres absolument énormes, c’est particulièrement vulgaire. Même si vous vouez un culte aux montres et à leurs mouvements, gardez à l’esprit que certains modèles ne sont pas faits pour être portés mais plutôt collectionnés…
L’élégance vs. style
Voici la seconde tenue du film. Elle est intéressante car beaucoup plus stylée ! Avant d’aller plus loin, il est important de « définir » l’élégance : elle consiste à respecter les codes et suivre les « règles ».
Dans la première partie de l’article, je me suis concentré sur une tenue élégante même si elle est loin de respecter toutes les règles correctement. On avait globalement une tenue très plate, sans prise de risque, sans réelle touche personnelle…
C’est le type de tenue très adaptée dans un contexte professionnel où il est important de véhiculer une image élégante tout en restant neutre dans sa façon de s’habiller.
Ici, George s’exprime enfin à travers sa tenue. Le style consiste à cerner et comprendre les règles pour mieux les briser ensuite… Sa tenue est beaucoup plus personnelle, plus négligée (pas de cravate). Il y a une certaine prise de risque avec les boutons dorés et la pochette dépareillée… Nous pourrions parler d’un début de style ! Car comme je le disais dans le guide sur l’état d’esprit, il est impossible de faire des fautes sans prendre des risques et le style passe par cette prise de risque…
Tout est dans les détails, les boutons de manchettes sont assortis à la boutonnière et à la pochette portée à l’italienne (consistant à faire bouffer sa pochette, pour gonfler l’aspect de celle-ci). Le rendu est décontracté et relativement réussi car la tenue reste très simple. Porter des boutons dorés assez fantaisistes comme c’est le cas ici sur un costume noir est particulièrement risqué, ce sont des détails très « m’as-tu-vu », il était donc judicieux de ne pas en faire plus pour éviter de tomber dans le vulgaire.
Le fétichisme de la chaussette
Drôles de chaussures…Pour finir cet article, je souhaitais aborder un petit point : les chaussettes.
J’ai pu remarqué que George portait durant une bonne partie du film des chaussettes grises. C’est le seul élement incohérent dans ces tenues très lisses et sans vie. La logique du personnage aurait voulu qu’il porte des chaussettes noires. Malgré cela, elle se marie assez bien avec le reste de la tenue grâce à la matière de celle-ci (laine).
La règle voudrait qu’on choisisse la couleur de nos chaussettes en fonction de celles du pantalon pour créer une continuité dans la jambe et éviter de casser la silhouette. J’avoue n’avoir jamais vraiment respecté celle-ci, les chaussettes sont d’ailleurs un très bon élement pour amener un peu de fantaisie et de style dans vos tenues, j’y consacrerai un article dans quelques temps.
J’ai pu noter un autre détail intéressant dans cette photo : les chaussures. C’est un type de bottines mi-hautes zippées sur l’extérieur, je n’ai jamais croisé un modèle comme celui-ci… Ca me parait aussi improbable de porter cela dans les années 60 (l’époque durant laquelle se déroule le film). Une excentricité de plus Mr. Tom Ford ?
Conclusion
C’est un film que je recommande dans son ensemble, il est intéressant d’un point de vue cinématographique. L’intérêt de celui-ci étant fondé sur le travail de l’image, elle très poussée d’un point de vue esthétique… On retiendra l’excellent score (musique orchestrale du film) d’Abel Korzeniowski & Shigeru Umebayashi, absolument magnifique.
Le travail sur les costumes n’est pas au niveau à mon sens, comme toujours avec Tom Ford on retrouve des gros problèmes de confection… Les tenues reflètent bien la personnalité du personnage principal et tout le problème est là, George manque de consistance et de vie pour pouvoir nous offrir des tenues dignes de ce nom…
Pour une fois, nous oublierons les quelques manquements de Ford quant aux costumes et nous saluerons un travail remarquable pour un premier long métrage, particulièrement réussi.
