Loading ...Boardwalk Empire ou la leçon de style des mafiosi
Note d’Alexandre : Vous avez été nombreux à me réclamer un article sur Boardwalk Empire. Pour une fois, ce n’est pas moi qui réalisera cette analyse (je vous en prépare d’autres de mon coté), elle vous est proposée aujourd’hui par Clémence de Jamais Vulgaire.C’est une excellente analyse, vous y trouverez divers conseils, ainsi que des explications sur la cohérence des choix de motifs en fonction du caractère des personnages.
J’émets tout de même quelques réserves concernant le chapitre sur les couleurs. Je laisse les liens au sein de l’article pour que vous puissiez vous faire votre propre avis.
________________________________________
Dans l’histoire de la mode masculine, on distingue quelques périodes de grande élégance. Parmi les plus récentes d’entre-elles, il y a les années 20 qui depuis quelques temps nous font fantasmer devant nos écrans. Le luxe et le faste des soirées des plus riches étaient proportionnels à l’instabilité ambiante, n’empêche, ça nous fait rêver.
Alors quand le premier épisode de Boardwalk Empire est sorti il y a 4 ans, on savait que ça allait être un phénomène. Et on a pas été déçus.
Comme toute série HBO qui se respecte, outre un scénario sans faute et une série addictive, une attention toute particulière a été portée aux costumes. Et ça tombe bien, parce qu’il y a des choses à tirer de cette période.
En Amérique, l’ultime épisode est sorti le mois dernier, l’occasion parfaite pour faire le point sur le style de cette série et en tirer les bonnes leçons.
Présentation de la série
La catchline est direct : “Atlantic City, 1920. When alcohol was outlawed, outlaws became kings.”
Boardwalk Empire c’est l’histoire de la prohibition à Atlantic City et surtout de celui qui l’a orchestrée : Nucky Thompson. Trésorier de la ville, ce dernier impose la loi contre la consommation d’alcool pour mieux contrôler son importation illégale.
La série étale tous les classiques de la mafia avec succès : double jeu, conflits de pouvoir, vengeances, luxe, soirées et jolies filles.
Si vous ne l’avez pas encore vue, un seul conseil : commencez tout de suite !
Evidemment, qui dit mafieux et années 20 dit aussi vêtements impeccable et glamour. Et c’est de ça dont on parle aujourd’hui : quelles leçons de style tirer de Boardwalk Empire ?
Leçon de style façon Prohibition
Avant de voir comment adopter le look mafieux à votre tenue de tous les jours, rappelons les règles de style à respecter. L’époque n’était en effet guère à la neutralité et les textures, motifs et couleurs utilisées dans les tenues étaient aussi divers que variés. Cependant, tous les motifs ne sont pas adaptés à toutes les silhouettes et toutes les couleurs ne vont pas à toutes les carnations.
Même si vous n’avez pas la prétention de vous vêtir façon Nucky Thompson, Boardwalk Empire regorge de leçons de style à appliquer à vos tenues quotidiennes pour améliorer votre style.
1. Travailler la silhouette
L’élégance des années 20 allait de paire avec une parfaite compréhension de la morphologie masculine et de la façon de la mettre la mieux en valeur. Cette attention portée aux vêtements s’est perdue avec le développement du prêt-à-porter, mais il n’est pas impossible de vous construire malgré tout une garde-robe parfaite. Le tout est de savoir choisir les bonnes pièces en faisant attention aux détails qui vous mettrons en valeur.
Les motifs, très présents dans la série, sont à choisir en fonction de votre corpulence. Les rayures verticales affinent la silhouette, tandis que les rayures horizontales (très rares) l’épaississent.
Les rayures verticales affinent la silhouette, tandis que les rayures horizontales l’épaississent.
Parfaite illustration du concept sur cette photo où Johnny Torrio et Al Capone portent des rayures verticales qui allongent leur silhouette. Jimmy Darmody, plus élancé, porte quant à lui des carreaux.
Notez également le choix des couleurs : plus l’embonpoint est fort (Johnny), plus les couleurs sont foncées et neutres. Evidemment, il s’agit des années 20, par conséquent même les couleurs les plus neutres sont subtiles, comme ici le violet foncé et le brun soutenu du costume d’Al Capone. Par contraste encore une fois Darmody porte des teintes beaucoup plus vives, qui accentue encore sa jeunesse et sa corpulence par rapport à ses compagnons.
Cette photo constitue également une parfaite illustration de la concordance des couleurs de costume et du contraste peau/cheveux. Jimmy blond à peau clair porte une déclinaison de bleus pauvre en contraste, tandis que la chemise claire d’Al Capone tranche fortement avec sa veste en accord avec le contraste entre sa peau claire et ses cheveux bruns.
Dernier point à observer dans ces trois tenues qui collent parfaitement au physique de leur propriétaire : la taille des revers à pointes. Le revers à pointe est typique de l’époque et a le net avantage de pouvoir être très marqué (comme celui de Johnny Torrio). Il permet alors d’harmoniser une silhouette et de compenser un embompoint : par sa forme et sa largeur il souligne les épaules et attire le regard vers le haut du corps.
Observez encore une fois la différence avec les revers de Jimmy Darmody beaucoup plus étroit et à la coupe plus discrète. Nul besoin en effet de redessiner sa silhouette déjà équilibrée.
Le revers en pointe par sa forme et sa largeur, souligne les épaules et attire le regard vers le haut du corps.
Autre point essentiel dans le travail sur la silhouette : le col.
Le col de Nucky Thompson (à droite) est très particulier et digne du personnage principal : il est non seulement unique dans la série mais également historiquement. Il s’agit d’un mix d’un collar-bar et d’un col coupé (entre autre) qui permet de mettre ses cravates en avant. Il s’agit d’une pièce distinctive qui place symboliquement Nucky au sommet de l’échelle sociale et de la série.
La mise en perspective des deux images, rend la différence entre un col flattant la morphologie et un col non adapté évidente. Celui de Nucky proportionne parfaitement son cou et l’absence de pans accentue la forme de la mâchoire donnant ainsi plus de caractère au personnage.
Au contraire, les pans allongés du col de gauche allonge exagérement un visage déjà long. La hauteur du col a beau réduire la longueur du cou, l’impression d’ensemble reste celle d’une silhouette trop longue. La cravate et les revers de veste fins n’arrangent rien à la situation.
On a donc d’un côté une figure d’autorité dont la tenue renforce l’impression de confiance en soi et de l’autre un personnage sévère, triste et douteux.
Vous pouvez donc retenir ceci pour le choix de vos tenues : pour dissimuler un ventre fort, optez pour des rayures verticales, des tons sombres et une veste à revers larges et très dessinés.
Si vous avez une morphologie naturellement équilibrée, osez les couleurs soutenues et les carreaux, en prenant soin cependant de les adapter à votre carrure et optez pour une coupe sobre.
N’oubliez pas de bien choisir le col de votre chemise : il peut tout changer à votre apparence.
2. Choisir les motifs
Dans les années 20, à l’esthétique un peu folle, les costumes à motifs étaient courants. De nos jours la norme est plutôt aux tenues unies ou discrètement rayées, mais les carreaux ou les rayures plus marquées restent toujours une option. Cet article est donc l’occasion de faire un point sur les différents motifs et comment bien les choisir.
Les carreaux sont très présents dans les costumes de Boardwalk Empire. Les carreaux sont particulièrement adaptés aux morphologies proportionnées, qu’elles soient allongées ou carrées. Ainsi Nucky Thompson, Chalky White et Jimmy Darmody, malgré leur différence de carrures, peuvent en porter tous trois sans risquer la faute de goût.
Les carreaux grâce à leurs lignes horizontales sont idéals pour les physiques secs comme celui de Nucky. Ils créent en effet un effet d’optique élargissant qui permet d’accentuer la carrure. Ils sont donc à éviter absolument sur une silhouette ronde.
Sur une personne plus carrée et musclée comme Chalky, ils accentuent encore plus la masse musculaire. C’est donc un choix parfait pour un personnage tel que Chalky White, très porté sur la violence physique puisque les carreaux larges accentuent son air patibulaire.
Dans cette scène, le choix des costumes est particulièrement adapté pour souligner les relations des personnages : la similarité des costumes établit une égalité entre Nucky et Chalky ; tout en mettant l’emphase sur leur supériorité subjective de leur voisin de table (d’ailleurs peu flatté par un costume mal taillé).
En règle générale, les carreaux larges sont plus imposants et les petits carreaux sont plus élégants. A moins d’être vraiment très fin, vous pouvez donc indifféremment choisir la taille de vos carreaux selon votre morphologie ou l’impression que vous voulez donner.
Les rayures étaient et sont encore le motif le plus courant des costumes. C’est également le motif le plus flatteur puisqu’il allonge et affine la silhouette. Il est donc particulièrement recommandé aux petits et aux silhouettes les plus larges. Nous l’avons déjà vu, la série illustre parfaitement ce principe trompe-l’oeil des rayures : elles sont prisées par une grande majorité des personnages.
Alors, rayures ou carreaux ? Quand il n’y a pas de restrictions physiques, c’est surtout une question de style et de présence.
Les rayures ont beau allonger la silhouette et donc renforcer la supériorité en taille de Jimmy sur Nucky Thompson, ce dernier continue de mener le jeu social. Le vrai contraste est en effet dans la formalité des rayures opposée à la force de caractère traduite par le choix d’un costume à carreaux.
3. À propos des couleurs
Les années 20 sont également célèbres pour la très large gamme de couleurs portées par les hommes.
On est désormais loin de cette opulence, mais pourquoi pas se laisser inspirer ?
Toutes les couleurs ne vont cependant pas à tout le monde et, outre la règle des contrastes déjà évoquée, il faut prendre votre carnation en compte. Les teints clairs préfèreront donc porter des couleurs foncées et inversement. (voir mon avis sur les couleurs)
Le choix des couleurs dans Boardwalk Empire n’est pas anecdotique. On le voit bien ici, elles sont un signe de pouvoir : elles distinguent les personnages centraux du reste et les pose comme les plus grands mafieux de la ville.
La couleur pêche du manteau de Nucky est caractéristique du personnage durant tout le début de la série. C’est une couleur subtile et élégante qui symbolise la position ambigue de pouvoir qu’occupe Nucky, mafieux notoire et trésorier de la ville.
Quant à Arnold Rothstein, le bleu roi de son manteau à une symbolique évidente dans cette scène d’entente et de jeu de pouvoir entre deux bandits notoires.
En matière de style, le pêche n’est pas la couleur la plus flatteuse pour une peau pâle (trop proche du teint de la peau, elle ne le met pas en valeur). En revanche la mise en valeur d’une pièce forte colorée par une tenue autrement sombre est une combinaison idéale, tout comme l’association de couleurs contraires entre le manteau et le noeuds papillon de Rothstein. En effet, marier les couleurs opposées est un bon moyen d’associer les couleurs des accessoires à sa tenue sans se tromper : le rouge va, par exemple, bien avec le bleu.
De manière générale, les couleurs vives vont mieux aux peaux sombres, qui peuvent se permettre des associations plus originales.
On a ici un beau mélange de couleurs dans la tenue de Chalky White et un combo des principaux points abordés jusqu’ici qui va nous permettre de les résumer.
Sur les couleurs d’abord : le jeu est plus mis ici sur les déclinaisons de nuances que sur les contrastes. L’idée n’est pas de faire clairement ressortir le pouvoir mais plutôt de mettre l’accent sur la maîtrise de soi par une élégance parfaite. Nous avons donc une tenue basée sur le brun qui se décline en or soutenu, pâle et en rouge. Le marron pourrait être trop proche du teint du personnage, mais le col blanc et la chemise or pâle créé un contraste bienvenu qui le met en fait en valeur. Toutes les couleurs s’accordent donc parfaitement entre elles.
La coupe de la veste et les carreaux du tartan mettent l’emphase sur la carrure de Chalky. Déjà large, il n’a pas vraiment besoin de cet ajout visuel mais sa tenue renforce l’impression de supériorité physique.
L’ensemble nous donne l’image d’un dandy de la gâchette tendance coup de poing, du genre à faire couler le sang sans se tacher ; autrement dit, une tenue parfaite pour le personnage.
Conclusion
Boardwalk Empire nous plonge dans une époque où le prêt-à-porter n’avait pas encore ruiné l’élégance et où les tenues aujourd’hui considérées comme “formelles” et “d’occasion” étaient le pain quotidien.
Alors oui, porter une boutonnière n’est plus d’époque, mais il reste toujours la pochette à glisser dans la poche de votre veste pour une élégance subtile.
Effectivement, les costumes trois-pièces sont un peu dépassés, mais rien ne vous empêche d’opter pour une veste à revers à pointes ou un par-dessus bi-matière. Bien sûr, la mode actuelle n’est plus aux chemises dorées ou pêche soutenu, mais une pièce colorée fera toujours son effet.
En un mot, s’habiller en mafieux des années 20 n’est pas envisageable pour le commun des mortels, mais l’élégance est à rechercher partout : retenez donc les leçons de styles de ces gangsters, revoyez quelques épisodes et révisez votre garde-robe ou investissez dans quelques accessoires !
